CHIFFRES DU SALON 2009


Chiffres de la bande dessinée


Carte d’identité de la bande dessinée en 2008

Date de naissance : 1827 en Suisse avec la création de l’album Les amours de monsieur Vieux Bois (Paru en 1837) de Rodolphe Töpffer, également premier théoricien de ce nouvel art.

Temps de travail : environ 5 à 6h de dessin tous les jours pendant 8 mois à 1 an.

Coût de fabrication : 9€ et 13€ pour un grand format.

Le prix se décompose de la manière suivante :

- Diffusion : 5%

- Distribution : 10%

- Droit d’auteur : 10%

- Marketing : 5%

- Fabrication : 20%

- Remise chez l’éditeur : 40%

Il reste donc à l’éditeur 10 à 15% du prix public.

Prix de vente : 9€ en moyenne

Poids du marché : 6,5% du chiffre d’affaire de l’édition


Source Statistique de la culture, chiffres clés édition 2008, La documentation française.

Titres et exemplaires édités en Bande dessinée en 2006 :

Sur un total de 70117 titres pour l’édition, la BD représente 5236 titres dont 2730 nouveautés et 2506 réimpressions.

Sur un total de 571 538 exemplaires pour l’édition, la BD représente 45470 exemplaires dont 29429 nouveautés et 16041 réimpressions.

Répartition du chiffre d’affaires de l’édition BD :

La BD représente 7,79%  du chiffre d’affaires de l’édition dont 20,13% sont des bandes dessinées au format poche.

Quantité de Bandes dessinées vendus par les éditeurs

Sur un total de 418 682 livres vendus par les éditeurs dont 128 963 sont des livres au format poche, 48 129 sont des bandes dessinées dont 21 138 sont au format poche.


Source : Une année de bande dessinée sur le territoire francophone européen, par Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD

2008 a été une année tonique qui ne se laisse pas impressionné par la crise financière. Au niveau de la production, 4746 livres en bande dessinée ont été publiés dont 3592 nouveautés (contre 3312 en 2007) soit une progression pour la 13ème année consécutive de 10,04%. En effet, la bande dessinée, dont la diversité des catalogues est un atout majeur et qui représente environ 6,5%  du chiffre d’affaires de l’édition, reste avec la jeunesse, un des secteurs les plus dynamiques.

Les 4 principaux lectorats sont :

-Celui des séries asiatiques : 1453 nouveaux mangas et assimilés sont parus en 2008 soit 40,45% des nouveautés.

-Celui des albums franco-belges : 1547 titres parus en 2008 soit 43,07%.

-Celui des comics américains : 240 recueils parus en 2008 soit 6,68%.

-Celui des romans graphiques : 353 livres parus en 2008 soit 9,83%.


1271 albums soit 66,89% des nouveautés hors mangas et comics s’inscrivent dans des séries ce qui permet la  répartition suivante  ou l’on constate que tous les genres progressent :

-l’humour avec 527 albums (27,74% du secteur) contre 324 l’an passé

-l’histoire avec 287 albums (15,63% du secteur) contre 196 en 2007

-les thrillers et autres polars avec 283 albums (14,89% du secteur) contre 182 précédemment

-le fantastique avec 267 albums (14,05% du secteur) contre 233 en 2007

-les ouvrages destinés aux plus petits avec 173 albums (9,11% du secteur) contre 80 l’an passé

A ces 3592 nouveaux albums jamais édités auparavant il faut ajouter :

-821 rééditions (soit 17,3% de l’ensemble des parutions bandes dessinées) sous une nouvelle présentation ou éditions revues et augmentées : contre 712 et 16,5% en 2007, soit 109 titres de plus.

-271 Artbook et recueils d’illustrations (soit 5,71% de l’ensemble des parutions bandes dessinées : contre 204 et 4,73% en 2007, soit 67 titres de plus.

-62 essais (soit 1,31% de l’ensemble des parutions bandes dessinées) : contre 85 et 1,97% en 2007, soit un recul de 23 titres.

Nous arrivons à un total de 4746 livres appartenant au monde du 9ème art (4313 en 2007), soit une augmentation de 433 titres (soit 10,04%), pour 183 et 4,4% en 2007. Ceci représente 7,91% de la production des livres édités sur le territoire francophone européen (contre 7,2% en 2007) : environ 60 000 livres ayant été publiés en 2008. Depuis 5 ans cette croissance profite surtout au plus puissants éditeurs (2657 nouveautés) au détriment de la petite édition qui pourtant progresse encore fortement en 2008 totalisant 936 nouvelles parutions contre 613 en 2007 soit 26,06% du secteur.


Concernant l’édition, 15 groupes dominent le secteur avec plus de 70% de la production, alors que pas moins de 265 éditeurs ont publiés des bandes dessinées en 2008. On note une atomisation de l’activité puisque l’année dernière, 265 éditeurs différents ont publiés des albums de bande dessinée soit 11 de plus qu’en 2007. On note aussi dans ce secteur une diversification structurelle mais paradoxalement, seuls 15 groupes concentrent à eux seuls 2/3 des activités soit plus de 70% de la production.

95 séries soit 5 de plus qu’en 2007 ont bénéficié d’énormes mise en place et on continué à se placer parmi les meilleurs ventes, tous genre de livres confondus. Un discours récurrent chez les éditeurs est de revendiquer le fait que les bénéfices obtenus avec les albums qui se vendent le mieux permettent de financer, voir d’amortir, ceux qui sont plus risqué financièrement. En 2008, 95 séries ont été tirées à plus de 50 000 exemplaires. Que les séries soient déjà bien établis ou de purs produits marketing, contribuent à la relative bonne santé du marché du 9ème art : car ces énormes tirages font de la bande dessinée un des secteurs les plus dynamique de l’édition en 2008.

Le marché du livre met toujours en avant la nouveauté au détriment du fond, ce qui n’empêche pas les éditeurs de multiplier les rééditions : en 2008, 213 intégrales (246 en 2007), 149 tirages de luxe (86 en 2007) et 103 éditions à petit prix (79 en 2007) ont été publiés.

Coté Manga, seules 9 séries (publiés chez 5 éditeurs seulement) assurent plus de la moitié des ventes dans leur globalité.

1856 bandes dessinées étrangères (dont 1411 venues d’Asie et 292 des Etats unis) ont été traduites : un bond de 69 titres (soit 3,86%) contre un recul de 0,67% en 2007. 1 album sur 3 est d’origine asiatique, la bande dessinée asiatique continue donc d’alimenter la production avec 1411 contre 1371 en 2007. Mais la langue anglaise n’est pas en reste pour autant puisque 9 albums viennent d’Angleterre et 292 des Etats Unis, soit 8,13% des nouveautés (contre 253 et 7,64% en 2007). L’Italie avec ses « fumetti » a fournie le contenu de 57 albums en 2008 (contre 63 l’an passé). On dénombre aussi 28 bandes dessinées d’origine espagnoles (24 en 2007), 17 hollandaises, 12 argentines, 7 finlandaises, 6 israéliennes, 2 allemandes, autrichiennes, brésiliennes, mexicaines, suédoises… soit un total de 1856 traductions c’est a dire 51,67% des nouveautés (contre 1787 et 53,95% en 2007), venant de 27 pays différents.

Les œuvres littéraires sont de plus en plus adaptées en bande dessinée et le 9ème art inspire toujours davantage les autres moyens d’expression. En 2008, 154 titres résultent d’une adaptation soit 4,29% des nouveautés contre 96 et 2,9% en 2007 et la plupart des éditeurs continuent d’explorer de nouveaux territoires ou niches éditoriales.

201 œuvres de plus de 20 ans ont été rééditées : et de plus en plus d’auteurs de bande dessinée, parmi les 1416 qui vivent de leur métier sur le territoire francophone européen, obtiennent régulièrement l’honneur des médias. De plus en plus d’auteurs francophones sont sur le marché : en 2008, ils étaient 1495 à publier un nouvel album, alors qu’ils ne sont que 1416 (contre 1357 en 2007) à vivre de ce mode d’expression. 151 sont des femmes soit 10,66%, pour 137 et 10,09% en 2007, et 248 sont scénaristes sans être également dessinateurs soit 17,51%, pour 232 et 17,09% en 2007.

Aujourd’hui le 9ème art a donc acquis une véritable reconnaissance culturelle : d’ailleurs, 1 livre acheté pour 8 et 1 ouvrage empreinte sur 5 dans les bibliothèques est une bande dessinée.

Loren De Landtsheer

POUR UNE VALSE À DEUX TEMPS


Débat ARTE Le roman graphique
L’écriture documentaire en bande dessinée : Valse avec Bachir de Ari Folman et David Polonsky.

En présence de Serge Lalou, le producteur et Nicolas Finet, journaliste et spécialiste de la bande dessinée japonaise, il est entre autre le fondateur de la revue officielle du festival d’Angoulême, l’Escale BD/Manga de cette 29ème édition du Salon du Livre de Paris accueillait le roman graphique issu du film éponyme Valse avec Bachir.

Ce voyage vers la reconstruction de la mémoire jusqu’à la confrontation à l’image fixe du traumatisme occulté du massacre de Sabra et Chatila lors de l’intervention militaire israélienne au Liban de 1982, est construit comme un véritable documentaire.

Cette œuvre s’inscrit dans une démarche qui se renforce depuis les années 1980 : la bande dessinée documentaire à la première personne avec des titres phares comme le Photographe d’Emanuel Guibert. Le parti pris de l’animation a permis, grâce à un univers graphique riche, de rendre compte d’une histoire en prise avec la réalité de cette partie du monde, qui aurait été trop « austère », selon Serge London, dans un documentaire classique. Ainsi, le film comme le roman graphique permettent une introspection poétique et tourmentée aussi réaliste que pertinente, grâce à l’efficacité scénaristique du récit.

Le passage du film d’animation au roman graphique ne s’inscrit pas dans une logique de produit dérivé, d’une volonté marketing mais bel et bien d’une (re)création. Nicolas Finet nous a confessé, qu’avec une certaine naïveté, il pensait tout simplement transposer des images du film. Mais le projet est d’une toute autre envergure. Un travail de déconstruction, une réinvention totale afin que ce docu-fiction puisse vivre sur cet autre médium qu’est la bande dessinée. Ari Folman et David Polonski ont dû trouver de multiples artifices afin de pallier à la dynamique sensorielle qu’offre le cinéma. Le procédé de l’ellipse propre à la bande dessinée impose une nouvelle rythmique au récit, où la temporalité ne s’exprime pas du tout de la même manière. L’expérience de la bande dessinée est de l’ordre de l’intime : chaque blanc entre les cases est abandonné à l’imaginaire du lecteur.

Ce docu-fiction répond au besoin actuel d’une narration du réel. Dans la bande dessinée, la dimension du « Je », de l’écriture autobiographique, de l’autofiction, s’est fortement développée depuis les années 1980. Maus (Art Spiegelman), La guerre d’Alan (Emanuel Guibert), ou encore Le Photographe ont permis l’émergence de toute une communauté de pensée autour d’un travail d’enquête proche de la démarche du documentaire. Valse avec Bachir est une synthèse ce travail documentaire et de création graphique. Avec ce titre, deux univers coexistent et permettent la rencontre de deux publics. Cette dynamique est également issue de la volonté des éditeurs de toucher

un plus grand nombre de personnes. Ces déclinaisons multisupports permettent différents accès à une même histoire. Valse avec Bachir est aujourd’hui un point de repère avec une qualité de réalisation comparable dans les deux genres, proposant des créations originales proches de l’artisanat. Polanski lui-même compare son travail à « l’assemblage d’une moto avec les pièces détachées d’une voiture ».

La réflexion sur le caractère documentaire de Valse avec Bachir, avec une recherche poussée du réalisme autant dans les dessins que dans la narration, donne à ce voyage mental toute sa force et sa sensibilité.

Romain Delory

Le Salon du Livre, à l’occasion de cette édition 2009, a crée une Escale BD/Manga prouvant ainsi que la bande dessinée a sa place aux côtés des livres. Ce médium a été très prisé lors de cette édition et de plus en plus le Salon du Livre devient aussi un festival de BD. La reconnaissance de ce secteur particulier de l’édition tient à sa force de création et au dynamisme de sa production. En effet la BD et le Manga tirent l’ensemble du marché de l’édition vers le haut avec des éditeurs qui ne connaissent pas la crise. Le nombre d’éditeurs à s’être attribué

ce médium soit 254 éditeurs différent contre 225 en 2006 révèle l’ampleur de ce phénomène. De plus on constate une arrivée massive des opérateurs littéraires tels Actes Sud, Denoël, Gallimard, Laffont, Seuil,… sur ce secteur. Il est impressionnant de voir le nombre d’éditeurs, présents au Salon du Livre, qui proposent de la bande dessinée ou du manga. Cette appropriation par les opérateurs littéraires et le développement d’une multitude de petites maisons d’éditions (Emanuel Proust Edition, Bao,…) - alors que par ailleurs 17 grands groupes (Delcourt, groupe Média Participation, groupe MC production, groupe Flammarion, groupe Glénat, groupe Panini,…) concentrent à eux seuls 74% de la production - montre la vitalité de ce secteur et la richesse de sa créativité, explorant des voies graphiques et narratives diversifiées, touchant aujourd’hui tous les segments de la population. 


Evolution du marché de la BD qui ne connait pas la crise

oPrésentation du marché : production/éditeurs

Depuis longtemps le marché de la BD a toujours été vu comme un secteur ne connaissant pas la crise. A l’heure où une crise mondiale touche l’ensemble des secteurs culturels, il semble  judicieux de chercher à identifier les perspectives pour les éditeurs de Bandes Dessinées. Cette thématique abordée spécifiquement lors de la conférence « Le marché de la BD en 2008, perspectives avec la crise » et développée dans le cadre de la conférence « Autopsie d’un album : produit de luxe de la culture » nous permet de dresser un état des lieux de ce secteur éditorial, de ses problématiques et de ses enjeux. Tous les intervenants présents dans le cadre de ces deux conférences insistent sur le fait que la bande dessinée, et par extension le manga, est un secteur culturel à part, en dehors des normes éditoriales générales.

Les supports que sont la bande dessinée et le manga ne répondent pas du tout aux mêmes logiques de production que dans l’édition en générale. Claude de St Vincent (Directeur général adjoint de Média-Participations et nouvel administrateur délégué de Dupuis) et Philippe Osterman (directeur éditorial de Dargaud au sein du groupe Média Participation) se sont lancés, chacun

dans leur conférence, dans une analyse très chiffrée de ce secteur. Les coûts de fabrication d’un album sont beaucoup plus importants que pour la création d’un livre. De l’accompagnement des auteurs pendant la phase de création à la production d’un album en quadrichromie, le coût de la production est de 9 à 13€ (Cf Un album combien ça coûte ?) par rapport à un roman où les coûts de production sont beaucoup moins contraignants de part son format.

Le travail entre éditeur et auteur n’est pas le même, on est ici dans une logique d’accompagnement où les maisons d’éditions de bandes dessinées financent la création, ce qui n’est le cas que pour des auteurs reconnus dans l’édition littéraire. Pour qu’un auteur de roman puisse vivre de sa production il doit passer la barre des  5 000 exemplaires vendus contre 12 000 exemplaires pour un auteur de bandes dessinées. Les lecteurs ont une bonne conscience de l’économie de la bande dessinée. Elle a colonisé de plus en plus d’espace dans les bibliothèques, les librairies généralistes. Pour Didier Pasamonik, beaucoup de lecteurs veulent connaitre les coulisses de ce métier face à une production énorme, et internet répond de plus en plus à cette demande.

Claude de St Vincent rajoute que c’est un des rares supports qui voyage beaucoup et supporte la relecture. De fait une bande dessinée pourra être lue par l’ensemble d’une famille. Une BD achetée est lue en moyenne par six personnes contre deux personnes pour le roman. En bibliothèque, la BD représente 1/5ème des livres empruntés. La bande dessinée est un secteur qui tient aussi sa particularité en ce qu’elle attire beaucoup plus de lecteurs que d’acheteurs. Les prix des bandes dessinées oscillent de façon importante, entre les formats souples et l’album cartonné, les éditions spéciales, les intégrales, les grands  auteurs et séries moins connues sont autant de variables à prendre en compte dans la valeur de la BD.

De plus en plus la bande dessinée a une valeur cadeau très forte et permet de générer beaucoup de recette sur des BD plus luxueuses et des opérations pour des coffrets plus chers. Cette valeur cadeau est associée au format de l’album, ce qui selon Emanuel Proust est une tendance qui se constate à l’international.

L’une des principales revendications des lecteurs aujourd’hui est le problème de l’attente entre les parutions. Cependant n’est-ce pas là aussi la beauté de la bande dessinée, car pour certaine bande dessinée qui prennent énormément de temps à la création, on a des objets qui peuvent être considérés comme de véritables œuvres d’art. Enfin reste à savoir si le numérique va tuer la bande dessinée, Didier Pasamonik insiste sur le fait qu’on disait la même chose lors de l’arrivée de la télévision et du cinéma et qu’il faut faire confiance à ce secteur de l’édition.


Comment se fait-il que ce secteur si particulier de l’édition ne connaisse pas la crise et ne la redoute pas ?

Le marché de la bande dessinée est encore en progression (10% en 2008) et tous les intervenants présents ne sentent pas les effets de la crise. Quelles sont les raisons de ce succès ? Tout d’abord, les éditeurs BD, du moins les grands groupes comme Média Participation ont une grande capacité d’adaptation grâce à un patrimoine important en ressortant régulièrement des intégrales. En effet, c’est un secteur où le patrimoine, le catalogue a une importance considérable. Cela permet aux maisons d’édition de faire baisser les prix sur ces titres immortels. Il faut ajouter, comme nous le rappel très justement Emmanuel Proust, arrivé depuis peu sur le marché, que ce sont ces « titres immortels » qui permettent l’accompagnement et le développement de nouveaux auteurs. Cette logique permet d’éviter une prise de risques par compensation. Or les petits éditeurs disposent rarement dès leur début des bestsellers permettant une plus grande flexibilité en termes de création.

La BD franco-belge selon Philipe Osterman continue dans sa logique de production d’antan tandis que le Manga, qui s’est  implanté massivement depuis 2002, a tiré vers le haut tout le secteur de l’édition BD. Le chiffre d’affaire du manga représente aujourd’hui 30% du marché, dont Kana (groupe Média Participation) est le leader. La rentabilité du manga se trouve aussi dans le fait que les risques liés à la création sont faibles, car la plupart des maisons d’éditions proposant ce type de support ne payent que les droits d’auteurs et donc se dispensent de toute la phase de création et s’orientent sur une sélection de titres dans l’abondance du marché asiatique. Les grandes maisons d’édition qui trustent le marché comme Delcourt, Média Participation et d’autres, grâce aux mangas et à leur patrimoine important, génèrent de grandes marges.

Après un exhaustif panorama chiffré de Philippe Osterman, François Capuron ainsi que Leslie Plée avouent avoir « décroché» quelque peu. Pour François Capuron la croissance de ce secteur n’existe que par le fait que les éditeurs ont su trouver des marchés sur lesquels la BD n’était pas encore implantée. « La nature a horreur  du vide » s’exclame-t-il. La BD a réussi à sortir du classicisme franco-belge, ce qui lui a permis de connaître de la croissance dans d’autre secteur. Cette recherche, ajoute-t-il, a permis de développer une création riche et variée avec une segmentation des publics plus importante, permettant ainsi d’avoir, par exemple, au sein du catalogue de Delcourt du roman graphique comme A la recherche du temps perdu (Heuet, Stéphane), Bienvenue chez les Ch’ti (Pierre Veys, Frédéric Coicault) ou encore Sillage (Jean-David Morvan, Philippe Buchet).

Les grands éditeurs arrivent à maintenir leur place de leader même si des opérateurs littéraires comme Robert Laffont ont réussi à récupérer quelques parts du marché.  Ce dernier connait chaque année une forte croissance en volume de parutions et ce depuis 20 ans, dépassant aujourd’hui la barre des 4 000 productions par an. L’arrivée des opérateurs littéraires sur ce marché tient à la croissance du chiffre d’affaire, liée au développement des mangas et qui a simultanément attiré beaucoup de lecteurs. Cette croissance du chiffre d’affaire a permis aux maisons d’édition de financer la recherche et le développement dans ce secteur. Cependant, comme nous l’explique Claude de St Vincent, on est passé de 550 nouveautés par an à 4 000 nouveautés dans un laps de temps très court (de 1995 à 2008). Cet essor est le résultat de la forte médiatisation dont a fait l’objet la bande dessinée, avec pour conséquence une augmentation du nombre d’éditeurs séduits par ces genres.

Claude de St Vincent, malgré la croissance apparente de ce secteur, tire la sonnette d’alarme face à une surproduction qui, selon lui, restreint les possibilités de se faire éditer et de trouver la visibilité nécessaire pour qu’un album trouve son public. Sur cette vision un temps soit peu alarmiste, que ne partage pas l’ensemble des intervenants présents lors de ces deux conférences, Emanuel Proust rebondit et explique qu’il faut relativiser le terme de « surproduction ».

En effet depuis 1983, époque à laquelle 300 nouvelles productions étaient éditées chaque année, il était déjà à la mode de parler de surproduction. Pour lui, ce phénomène résulte du développement des catalogues des éditeurs à la recherche de nouvelles cibles, notamment le public féminin très longtemps ignoré de la création. Il est intéressant de constater comment le schéma de segmentation des mangas (Shôjo, Shônen, Sensei,…) s’est appliqué au champ de la BD franco-belge.

Face à cette production imposante et au nombre important d’acteurs sur ce secteur de l’édition, le marché de la BD est-il en voie d’industrialisation ? Chez Delcourt, le principe de croissance et développement des nouveautés est toujours de mise. Cependant on constate que le cœur du catalogue n’a pas changé depuis 15 ans, la logique étant d’étendre sa gamme de collections. François Capuron nous explique que si l’essentiel de la croissance du marché de la BD provient du Manga, ce phénomène est généralisable à l’ensemble du secteur. Le développement de nouvelles formes comme le roman graphique et des projets très créatifs chez les indépendants comme l’Association, les Requins Marteaux a permis de faire rentrer le médium BD dans les librairies généralistes. Cette ouverture à d’autres formes s’est progressivement développée chez tous les éditeurs et, toujours selon François Capuron, la croissance n’existe que par cette mutation du marché. Intervenante discrète, Leslie Plée jeune libraire qui vient de sortir une BD sur les libraires titrée Moi vivant, vous n’aurez jamais de pause, est un peu intimidée face à ces deux géants de l’édition que sont Delcourt et Dargaud. Elle porte un regard positif sur un marché, qui pour elle, se porte bien et ne cesse de se diversifier en multipliant les niches. Toutefois, en librairie, la clientèle est s’oriente plus volontiers vers la BD franco-belge très classiques, le manga et les nouvelles formes n’ayant pas encore totalement conquis le grand public.

Le marché de la BD est un secteur, on l’a vu, qui ne cesse de créer et jamais autant de bandes dessinées ne sont sorties depuis ces cinq dernières années. Comment les maisons d’éditions gèrent-elles cette production ? Peut-on encore produire autant ? François Capuron nous explique que ce problème n’a jamais cessé de se poser car le marché est en constante progression. Delcourt arrive à trouver de la place pour insérer ses nouveautés et pour lui « la notion de crise semble, là encore, bien lointaine ». Les idées, les projets de créations ne cessent d’émerger de toutes parts que ce soit sur le territoire national qu’au niveau international. Les éditeurs se tournent de plus en plus vers des auteurs

étrangers permettant une fois de plus d’élargir leur catalogue avec de nouvelles esthétiques, de nouveaux regards. François Capuron relativise et nous explique que ce n’était pas forcément plus facile il y a 10 ans pour les « Auteurs » avec un grand « A ». Mezzo et Pirus à l’époque vendaient 2500 exemplaires et aujourd’hui un peu plus et on continue à trouver de la place pour des nouvelles séries sans pour autant tout maitriser, nous avoue François Capuron. Le marché n’est pas fermé que ce soit au niveau des auteurs et des éditeurs, ce qui est plutôt encourageant.

Didier Pasamonik, journaliste chez ActuaBD opte pour une vision plus longue de l’évolution de ce marché. Après la guerre, la BD avait pour espace principal de création et parution, la presse. On attendait alors des tirages énormes avec le Journal de tintin à plus de 300 000 exemplaires par semaine ou encore Pilote avec 150 000. Ce n’est qu’à partir des années 50 que l’album que nous connaissons aujourd’hui s’est développé et que les belges ont su formater et imposer ce format. Dans le milieu des années 70, la BD apparait dans le circuit de la grande distribution avec Glénat qui fête cette année ses 40 ans. Aujourd’hui le secteur est très ouvert avec l’arrivée massive du manga mais aussi une plus grande utilisation des outils de médiatisation. De plus en plus on se tourne vers une BD d’auteur avec une certaine starification comme Poisson Pilote chez Dargaud. Tout cela a favorisé le développement de la BD en général et une plus grande segmentation des publics cibles, notamment les lectrices qui sont davantage prises en considération qu’il y a cinq ans. C’est un marché qui a trouvé sa place. La bd a connu beaucoup de succès dans les années 70 car c’était la culture des baby boomers. La donne est différente aujourd’hui en raison du poids de la télévision dans les pratiques culturelles des lecteurs.


Le métier d’éditeur, un métier qui n’a pas changé ?

Les éditeurs de Bandes Dessinées n’ont pas connu de grands bouleversements, leurs politiques évoluent face aux mutations d’un marché en ébullition mais le métier ne change pas selon Philippe Osterman. L’ensemble des éditeurs de Média Participation n’a pas beaucoup évolué en termes de politiques éditoriales. Dupuis connait une légère hausse de ses parutions tandis que Le Lombard est revenu à un rythme de croisière après une course effrénée. François Capuron trouve lui au contraire que le métier a beaucoup changé et que tous les deux ans la maison Delcourt revoie les questions concernant les librairies, l’évolution des lecteurs, les enjeux du numérique. Chez Delcourt, l’apparition du manga dans le catalogue en 2002 a conduit la maison à changer complètement de logique économique. C’est un marché très communautaire, segmenté, grande nouveauté qui se retrouve partout. Dans le cadre de la création et de la relation entre les maisons d’éditeurs et les auteurs et dessinateurs, il n’y a pas eu de modifications notoires, seul le discours a quelque peu évolué. Ce métier est avant tout un métier de passion, d’accompagnateur et ce depuis son origine. La BD est un objet culturel particulier où les relations entre la création et l’édition sont uniques dans le champ de l’édition. C’est la rencontre entre un auteur et un éditeur qui va conditionner le livre et cela reste le cœur du métier.

A l’heure actuelle il est plus difficile d’accompagner, selon Philippe Osterman, les jeunes auteurs car le marché est noyé et la concurrence est très forte. Les libraires se retrouvent submergées par les nouveautés et celles qui ne marchent pas sont aussitôt renvoyées. On ne laisse plus le temps à un album de trouver sa place. On a une visibilité de 15 jours à 3 semaines pour un livre, ce qui pose problème pour les éditeurs. Ce contexte pousse les éditeurs comme Dargaud à limiter les nouveautés et à les pousser le plus loin possible au moyen de campagnes marketing. Selon Philippe Osterman, ce n’est qu’en accompagnant les auteurs sur le long terme, en faisant un travail de sélection qu’on peut arriver à les faire émerger. Mais la question la plus importante est de pouvoir faire vivre, et c’est là où réside le problème. Aujourd’hui pour qu’un auteur arrive à vivre correctement, il doit vendre 15 000 livres par an.

François Capuron relativise sur cette vision quelque peu pessimiste. Pour lui n’importe quel libraire est capable d’accueillir les 4 000 parutions. Il faut réfléchir, selon lui, au développement de points de ventes spécialisés, à de nouvelles formes de diffusion. Car aujourd’hui il est difficile pour un professionnel de connaitre toute les nouveautés. Philippe Osterman pense en revanche que cette démarche n’est pas celle à adopter car le marché est très diversifié et donc divisé. Le manga représente 30%, les comics occupent aussi une grande place, donc des lieux spécifiques sont difficilement envisageables surtout en province. Même les Fnac ne peuvent accueillir tous les catalogues. Le développement d’internet et du scoring permettent aujourd’hui facilement aux libraires et au public de faire des choix.

Revenons un temps sur les auteurs qui sont au centre de toute la création. Philippe Osterman constate que les revenus des auteurs ont largement baissé. Il nous rappelle que le chiffre d’affaire du marché de la bande dessinée n’a pas été multiplié par quatre contrairement au volume de production. Pour répondre à ce phénomène, les auteurs multiplient les séries. Le paradoxe aujourd’hui réside dans le fait qu’il est très facile pour les jeunes auteurs de se faire éditer mais qu’il est très difficile par la suite de vendre en sachant qu’une bd trouve son équilibre aux alentours de 12 000 exemplaires vendus.

Didier Pasamonik est revenu sur le travail des auteurs et les nouvelles pratiques de ces derniers. De plus en plus, les auteurs développent de nouvelles activités en parallèle.  La nouvelle génération a compris qu’il fallait produire beaucoup pour vivre. Certes il y a des boulimiques mais beaucoup d’autres auteurs réalisent un nombre d’albums raisonnable par an.  Un auteur aujourd’hui ne fait pas que de la BD, il touche à l’ensemble des champs artistiques sans se cantonner à son domaine. Ces allers-retours profitent au secteur de la BD qui se nourrit de ces nouvelles sources de création.


Marketing, produits dérivés, adaptations : les nouvelles logiques du secteur BD

Les perspectives qu’ouvrent le numérique aujourd’hui aux éditeurs de bandes dessinées résident dans la naissance de produits interactifs, de teasers pour des lancements, dans la diffusion de quelques planches disponibles en très bonne qualité. Le développement de ces outils de communication permet ainsi aux lecteurs-internautes d’avoir une grande visibilité sur la majeure partie de la production. Il faut désormais trouver le modèle économique qui permettra de rendre viable le développement de ces supports. L’erreur serait d’attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes comme nous l’avons vu avec la musique, même si là encore les problématiques ne sont pas les mêmes.

Loren De Landtsheer – Romain Delory

pratique de la lecture s’exercera. Les essais en cours du les supports nomades comme l’iPhone restent peu concluants. La lecture sur ce type de support fait perdre le rythme de l’action, aucun recul n’est permis la lecture se faisant case par case avec pour les plus grandes un défilement imposé. La bande dessinée sur téléphone mobile sera finalement plus un moyen pour recruter des nouveaux lecteurs qu’un concurrent direct à l’album.

Le numérique est une donnée importante qu’il ne faut pas mettre de côté. Même si les éditeurs de bande dessinée ne craignent pas l’impact du piratage, il est important que la production comme la création réfléchissent aux nouveaux enjeux et perspectives que pose le numérique. L’écran ne semble pas être adapté à la bande dessinée. Celle-ci incarne pour Claude de St Vincent le premier livre multimédia en offrant une combinaison d’action, de visuel et de narration. Des études sont menées à l’heure actuelle pour déterminer le profil du lecteur de demain, comment sa

succès a été tel que le jeu a perduré offrant une grande visibilité et une source importante de revenue pour les auteurs et Dargaud. Cette émulation dans tous les secteurs et l’attachement que nous éprouvons face à ces héros, ces univers graphiques montrent l’importance accrue de la bande dessinée dans l’imaginaire collectif.

La bande dessinée trouvé par ailleurs sa place au rang des industries du divertissement. Les maisons d’édition développent de plus en plus au sein de leurs catalogues des collections humoristiques et pas toujours de très bon goût, il faut l’avouer. Chanteurs, acteurs, humoristes, séries télé, romanciers à succès, tous se sont vus transposer sur les planches de BD comme Kaamelott,… Ces adaptations ne sont finalement que des ressorts financiers de l’industrie du divertissement et restent encore à l’écart de la production dite d’auteurs. Cela permet de s’insérer sur une multitude de lieux de ventes comme les magasins de sport, les supermarchés, stations services,… D’autres éditeurs développent comme Adonis, Ici d’Ailleurs et Nocturne, des DVD ou CD en complément des albums.

Cette ouverture sur tous les supports offre de nombreuses opportunités à la bande dessinée, profitant ainsi d’une meilleure mise en valeur dans les médias généralistes. Il y a un véritable engouement pour la bande dessinée de la part des journalistes dans les quotidiens et magazines, à la radio et à la télévision sur des chaînes privées (émission Un monde de bulles sur Public Sénat) comme publique (Arte et France 2). Cependant il reste beaucoup à faire quant à la régularité, la quantité et la qualité des contenus.


Réflexion sur le Numérique, enjeux et perspectives.

Aujourd’hui le numérique est une problématique qui se pose à tous les secteurs culturels. Quand est-il pour la bande dessinée ? Comment peut-on envisager le numérique avec le médium qu’est la bande dessinée ? Ces questions n’ont cessé d’être posées aux différents intervenants présents sur l’Escale BD/Manga.

Pour Philippe Osterman, le numérique a sa place dans ce secteur en tant qu’outil de promotion permettant une plus grande visibilité. Cependant envisager le numérique comme support de la création interroge le processus de création et la manière de générer un nouveau produit. En revanche le numérique ne semblerait pas avoir d’impact sur le métier et sur le processus de création qui semble être le même quelque soit les supports. Claude de St Vincent affirme que les solutions viendront toujours des auteurs. Des recherches sont en cours et aucune solution satisfaisante à ses yeux n’a encore été trouvée. Quoi qu’il en soit, envisager le numérique comme support de création ne peut se faire, toujours selon Claude de St Vincent, qu’en développant un nouveau type de produit qui ne serait plus tout à fait de la bande dessinée.

Aujourd’hui, une part importante de la recherche est consacrée aux nouveaux supports et partenaires qui sont à la fois des sources de visibilité et générateurs de recettes. Claude de St Vincent nous en donne un exemple criant par la reprise de « XIII » par la Française des Jeux. C’était au départ une licence de jeux éphémères censée ne durer que quelques mois, le

Le poids commercial des droits dérivés ou des déclinaisons en animations, films, romans et autres produits dérivés se renforce davantage chaque année. Cette logique est déjà fortement exploitée au Japon où les mangas fournissent, et ce depuis longtemps, environ 60% de la production mondiale de dessins animés. Depuis 2007 les projets d’adaptations faisant appel à des auteurs francophones de bandes dessinées comme le succès de Persépolis de Marjane Atrapie et Vincent Paraunnaud connaissent une croissance exponentielle. Les acteurs du jeu vidéo comme Ubisoft portent aussi un intérêt particulier aux personnages les plus connus comme Astérix, Lanfeust, Naruto…

La bande dessinée est devenue une véritable source d’inspiration pour les autres médias exploitant la richesse des scénarios et des univers graphiques. Les opérateurs littéraires comme les producteurs de films et téléfilms s’intéressent particulièrement à la richesse scénaristique et aux personnages de bande dessinée. Un exemple probant du poids économique que représente la bande dessinée dans la production de dessins animés en France, est que nous nous sommes hissés au 3ème range mondial avec des succès comme Francky Snow, Chico Mandarine, Cédric,… Les héros de bande dessinée sortent de plus en plus de leurs cases et ce développement a permis de compenser la faible rentabilité de la BD elle-même. Les déclinaisons multi-supports qu’offrent les univers de la bande dessinée (XIII, Largaud Winch, Thorgal,…) permettent d’assurer la création et la poursuite de l’accompagnement des auteurs. Chaque apparition que ce soit dans la publicité, les jeux de sociétés ou encore dans les jeux vidéos, montre que tous les moyens sont bons pour mettre sur le devant de la scène l’ouvrage d’origine.

Marketing, produit dérivés, le secteur de la bande dessinée a développé toute une panoplie de nouvelles logiques afin de dégager des recettes et donner de la valeur ajoutée à la bande dessinée. Les héros et les univers de ce médium sont de très bons supports de communication comme en témoignent toutes les adaptations en dessins animés (Tintin, Iznogood, les Schtroumpfs, Titeuf,…). Pendant longtemps la BD a été considérée comme réservée aux enfants. Ce public a grandi et ces enfants d’hier sont devenus les prescripteurs d’aujourd’hui.

DE TOKYO À PARIS EN PASSANT PAR BRUXELLES : UN MONDE POLYMORPHE


Le salon du livre 2009 proposait plusieurs conférences axées sur divers thèmes de la littérature d’aujourd’hui. Nous avons rapproché différentes conférences autour de trois pôles : la littérature jeunesse, le manga et la bande dessinée. Nous nous sommes en particulier intéressés aux conférences « La Littérature jeunesse est-elle trop violente ? », « Ces auteurs qui captivent le jeune », « Vers un Bd mondiale ? », « Sensualité et manga : la vague du désir » et « Manga jeune public : les raisons du succès ». Celles-ci réunissaient de nombreux invités, auteurs, éditeurs et professeurs. Ces interventions ont nourri des regards croisés afin de mieux comprendre la richesse de la création dans des domaines différents mais touchant un même public, la jeunesse. La première de ces conférences animée par Nathalie Le Breton a réuni l’auteur et psychologue Elisabeth Brami (L’anti-livre de lecture), Jessica Jeffries-Britten auteur du Guide des 100 romans cultes des ados, Géraldine Levasseur, journaliste et Annie Rolland, professeur et psychologue et auteur de Qui a peur de la littérature ado ?


Conférences :

•Manga, un public jeune : les raisons d'un succès

Dimanche 15 mars 2009  - de 12h00 à 13h00  / L’Escale BD/Manga  / Manga

Présenté par :

Pierre Valls : directeur éditorial de Pika

Hervé Brient : revue Manga 10 000 images (revue de fond sur le manga)

Sébastien Moricard : rédacteur en chef du magazine Canal BD Manga Mag

Stéphane Ferrand : directeur éditorial de Glénat

•Vers une bd mondiale ?

Mardi 17 mars 2009  - de 16h00 à 17h00  / L’Escale BD/Manga  / Bande Dessinée

Présenté par :

•Liew Sonny

•Sandoval Tony

•Nemiri Nicolas

•Moulin Jean Paul

•Patil Amruta


Les éditeurs sont à la recherche d’auteurs provenant du monde entier, tour d’horizon de nouveaux talents Sonny Liew (USA/Singapour): auteur de Malinky Robot (Bao) Tony Sandoval (Mexique/France): auteur du collectif Interfaces (Bao) Nicolas Nemiri (France/Japon): auteur du collectif Interfaces (Bao) Jean Paul Moulin: Responsable Editorial du label BAO Amruta Patil pour kara (au Diable Vauvert).

•Sensualité et Manga : la vague du désir...

Mardi 17 mars 2009  - de 19h00 à 20h00  / L’Escale BD/Manga  / Manga


Présenté par :

Carla Tillon

Fabien Adrien

Dixneuf Adrien (Co-fondateur des Editions H)


- De la Romance au Moé. (Nicolas) - Le Yaoi et le Yuri l’homosexualité acceptée ou tolérée ? - Pourquoi les filles aiment le Yaoi ?


•La Littérature jeunesse est-elle trop violente ?

Mercredi 18 mars 2009  - 11H-12H  / La Place des livres  / Jeunesse

Animé par : Le Breton Nathalie (Journaliste)


Du Sexe, de la violence et des drames : nos chères têtes blondes sont-elles confrontées trop tôt au monde de leurs parents? La littérature destinée aux adolescents doit-elle surfer sur cette vague pour être lue? Où s'arrête la prévention et où commence la censure et la sur-protection des jeunes?


Invitées:

•Géraldine Levasseur : "Les enfants et le pornos" (Max&Milo)

•Annie Rolland : psychologue clinicienne, auteur de "Qui a peur de la littérature ado?" (Thierry Magnier)

•Elisabeth Brami: Écrivain, "Jamais de la vie" (Nathan), "L'Anti-livre de lecture" (Albin Michel jeunesse)

•Jessica Jeffries-britten: Chef de la rubrique livre de la revue jeunesse "Je Bouquine" (Bayard), elle est aussi l'auteur d'un essai " Les cent romans cultes des ados" (Librio)


•Ces auteurs qui captivent le jeune

Mercredi 18 mars 2009  - 12H-13H  / La Place des livres  / Jeunesse

Animé par : Marie-Madeleine Rigopoulos (chroniqueuse littéraire)


Les écrivains jeunesse rivalisent d'imagination pour faire rêver, rire, ou frémir. Ils trouvent leur inspiration dans le fantastique, la grande Histoire ou tout simplement dans la vraie vie.

Quelles sont leurs astuces? Qu'est-ce qui fait leur succès?



Invités:

•Sophie Audoin-Mamikonian : "Tara Duncan" (XO)

•Béatrice Bottet : "Le Grimoire au rubis" (Casterman)

•Annie Pietri : "Parfum de meurtre" (Bayard)

•Éric Boisset : "La Botte secrète" (Thierry Magnier)


I.A la découverte du manga et de la littérature jeunesse

1.Les thématiques dominantes

Le Japon détient un marché de manga très spécifique dont la particularité réside dans son ultra segmentation. Ainsi, au travers d’un large panel de thèmes, il touche l’ensemble des publics adolescents et jeunes adultes.

On retrouve deux grandes catégories éditoriales les Shojos, destinés aux jeunes filles, et les Shonens destinés aux jeunes garçons. Toutefois la frontière entre ces deux genres n’est pas totale, puisqu’il existe des passerelles entre Shojo et Shonen. Beaucoup de Shonen sont lus par des filles et réciproquement pour le Shojo (ce deuxième cas étant beaucoup moins courant au Japon qu’en France).

Les éditeurs japonais produisent des titres transversaux comme D Gray Man, qui, dans un style gothique fantastique, va séduire les filles par son élégance et sa créativité particulières et les deux publics pour l’action. Les mangas des Clamp arrivent aussi à séduire ces deux lectorats. Clamp est un studio de quatre femmes dessinant au Japon où elles sont très populaires et ce depuis vingt ans. Elles ont été éditées en France et ont connu un grand succès.

Le manga traite d’un nombre de thèmes incroyablement plus large que dans la BD classique. De nombreux mangas traitent du quotidien (notamment du système éducatif comme dans GTO), ce qui entraîne un processus d’identification immédiat de la part des jeunes. On retrouve le même genre de phénomènes qu’avec Harry Potter. On va suivre l’évolution d’un groupe de personnages sur plusieurs volumes et grandir avec eux. Ces

personnages sont dans une quête initiatique émaillée d’épreuves et la série s’achève sur la victoire du bien et un personnage central grandi par ses expériences. Que ce soit dans les Shonens ou les Shojos, on a toujours affaire à des personnages proches de leur lectorat et confrontés aux mêmes problématiques qu’eux.

Il existe une diversité extraordinaire et quasiment sans limites de manga, tous les thèmes peuvent être abordés. On trouve ainsi des mangas politiques et biographiques, de nombreux mangas sur le sport (Olive et Tom, Eyeshield 21) et même des mangas de « métiers » sur la boulangerie ou la sommellerie.


Contrairement aux préjugés et faux procès qu’on a pu lui faire, le manga est porteur de valeurs morales. Quand il y a des combats et de la violence comme dans Naruto ou One Piece, ceux-ci sont justifiés par un idéal de paix. Quand on finit un manga, les ennemis d’hier sont les nouveaux amis d’aujourd’hui (Hikaru No Go, Dragon Ball). Certaines valeurs comme le courage, l’amitié, le sens du sacrifice ou l’abnégation qui sont en permanence mises en avant.


Une des prouesses du manga est aussi de réussir à intéresser les jeunes à une autre culture et aux traditions japonaises. Ainsi, à l’époque de la parution de Hikaru No Go en France, il y avait seulement 400 joueurs de Go en France et personne ne connaissait ce jeu traditionnel japonais (pouvant s’apparenter aux échecs ou aux dames). Ce manga a réussi à passionner les lecteurs pour un jeu auquel ils ne connaissaient rien a priori. De même, on observe une forte augmentation des demandes de cours de japonais. Par le manga, les jeunes sont amenés à s’intéresser à toute une culture.


L’amour est l’un des thèmes phares des magakas, faisant preuve d’un grand mystère. De façon générale, le héro s’apparente à un antihéros, méprisé par la gente féminine, ce qui permet aux lecteurs de se sentir supérieur ou du moins à égalité avec lui. L’idée sous-jacente consiste dans le fait que si le héros peut approcher des femmes séduites, pour le lecteur ne pourrait-il pas en faire de même. Cette idée est bien illustrée par l’utilisation du complexe de Superman : le lecteur est valorisé, il peut lui aussi changer les choses.

Les japonais parlent d’amour sans hésitation avec finesse et subtilité. Cependant, si le manga parle beaucoup d’amour, il est représenté aussi par de nombreux stéréotypes. Par exemple, dans Hana Kimi, une jeune fille tombe follement amoureuse d’un garçon perchiste qu’elle voit à la télévision. Elle décide d’aller le retrouver dans son école mais doit se travestir, ce qui est chose courante au Japon, afin de pouvoir le rejoindre. Cependant même si les mangakas se servent de ces stéréotypes, il ne faut pas se fier aux apparences, car partant de ces clichés, la création qui abouti n’en est pas moins originale. Deux mangas peuvent avoir le même sujet mais être traités de manière différente.

Les auteurs aiment utiliser un handicap et il est intéressant de voir la transformation qui s’opère face à ce handicap. On montre que la vie est jalonnée de rencontres qu’elles soient sources de grandes choses ou d’accidents et déceptions.

Le manga crée au Japon est essentiellement destiné aux japonais, et culturellement il y a certaines choses qu’un lecteur occidental n’est pas en mesure de comprendre. Ainsi tout en étant dans une logique d’industrie économique, le manga construit un contre-discours en mettant dans ses histoires des valeurs telles que l’amour, la pureté, révélatrices d’une certaine schizophrénie du manga. Les mangas critiquent la prostitution de plus en plus importante au Japon,  et font l’éloge des rencontres et des échanges.

2.Des thèmes controversés

Dans un monde ultra-médiatisé et dominé par la logique du tout-image, la littérature peut sembler rassurante à des parents dépassés par une génération qui a grandi avec la révolution numérique. Mais finalement, la force des mots, leur pouvoir de suggestion, leur capacité à provoquer l’imaginaire, la subtilité avec laquelle ils amènent les

idées, peuvent s’avérer plus effrayants que l’image, brute et facile à catégoriser. On sait relativement vite si une image doit être censurée, par ce qu’elle véhicule, et par l’impact qu’elle peut avoir selon l’âge du spectateur. Or, cette relative facilité de jugement propre à l’image s’effondre lorsqu’il s’agit de littérature. Ainsi, les mots laissent une large place à l’imaginaire et cette dimension imperceptible et incontrôlable peut inquiéter. Beaucoup reprochent à la littérature jeunesse d’être trop violente, et ce en particulier dans la mesure où elle aborde des sujets difficiles tels que le suicide, la drogue, la sexualité… Pourtant, on sait que ces sujets sont largement diffusés dans la sphère visuelle, mais sans être détaillés, décrits ou même expliqués, et peut-être est-ce là le problème. La société serait atteinte d’une sorte de schizophrénie : d’un côté on considère que les jeunes ont l’habitude de voir des images représentant des sujets tabous, et on s’en tient à la fatalité (« de toutes façons on ne peut pas les empêcher d’en voir »), mais lorsqu’il s’agit de mettre des mots sur des situations, la machine déraille et des portes se ferment. Avec un rapide recul, on peut s’inquiéter de ce paradoxe et penser qu’il peut être à l’origine de bien des frustrations et déséquilibres. Pour Annie Rolland, il y a quelque chose dans la parole, celle des livres en l’occurrence, qui libère le pulsionnel et « déviolentalise » et remplace parfois le passage à l’acte. L’un des auteurs les plus controversés est Melvin Burgess (Junk, Doing It). Certes cet auteur aborde de façon assez crue des sujets difficiles (drogues sexualité adolescente…), mais ses œuvres sont, selon Jessica J-B, avant tout des beaux livres, des livres bien écrits dont les textes ne sonnent pas creux. D’ailleurs, s’il est de ceux qui effraient le plus les adultes, des générations d’adolescents l’élisent chaque année comme leur meilleure lecture de collège. Pour Géraldine Levasseur, les enfants d’aujourd’hui vivent dans un monde hypersexué et les parents doivent avoir un rôle de régulateur (voir encadré).

Si la littérature jeunesse contemporaine ne se refuse plus aucun sujet et va parfois loin, elle n’en reste pas moins un outil malléable et appropriable qui permet au jeune de se forger ses propres opinions. Selon l’auteur de L’anti-Livre de lecture, Elisabeth Brami, la lecture est une « histoire d’intimité », et les adultes se doivent de faire confiance aux ados, et de les laisser entrer dans la littérature à leur propre manière.


Ados, la fin de l’Innocence

La journaliste Géraldine Levasseur, invitée de la conférence « La Littérature jeunesse est-elle trop violente », a réalisé dernièrement un reportage dans lequel elle s’intéresse en particulier à l’impact de la « banalisation » des images pornographiques dans la sphère médiatique. Le documentaire surprend et interpelle à plusieurs reprises. On y voit de jeunes adolescents, voire des enfants, tomber dans des dérives sexuelles flagrantes dont ils n’ont même pas toujours conscience. De plus, la journaliste nous ouvre les yeux sur l’impuissance et le manque d’implication de certains parents qui ne trouvent d’autres réponses que la fatalité (« De toutes façons on ne peut pas les empêcher d’en voir ! »). A aucun moment dans le reportage de Géraldine Levasseur on ne perçoit l’enfant en tant qu’être innocent et rêveur, mais plutôt en tant que rouage d’un mondimagé dans lequel il a grandi, et pourtant on sent que la journaliste est au plus proche de la réalité.

Le manga est aussi connu pour son caractère subversif. On a pu voir précédemment que les mangakas aiment se servir du thème de l’amour. Se pose alors la question de la sensualité puis de la sexualité

Une des caractéristiques du manga, on l’a vu, est l’utilisation du thème de l’amour et ce à tout âge et de façon plus ou moins sexuel. Au Japon, ces nombreuses comédies romantiques sont considérées comme une initiation romantique et sensuelle permettant de canaliser les pulsions, oscillant toujours entre deux conduites opposées.

Autre caractéristique, les mangakas utilisent souvent l’image de « l’idole ». L’idole correspond au cliché réalisé d’une jeune fille pour des revues de charme, à destination des jeunes hommes.

De même, les mangakas utilisent beaucoup la figure du « fan de service ». Dans un shonen par exemple, c’est l’apparition inattendue d’une fille à la poitrine fort généreuse, sans rapport avec l’histoire : elle est seulement là pour faire plaisir aux lecteurs. Cette démarche a aussi pour but d’élagir la cible des lecteurs. Il y a beaucoup de types de manga plus ou moins sensuel : du seinen au au seijin en passant par le Yahoi.


Le Yahoi, thème très utilisé lors de la conférence sensualité et manga.

Le Yahoi, a été crée vers 1975 (création de fan, apparu dans le manga amateur), en réaction au manga garçon. Les filles voulaient pouvoir s’exprimer en toute liberté, parler d’un couple où il n’y a pas de différences de statut social, représenté par un couple homosexuel masculin. Les filles aime passer par l’intermédiaire d’un pseudo couple homosexuel, pas du tout réaliste. Ainsi elle projette les histoires de ces couples dans ses propres relations, cherchant à bâtir, à l’image de ses héros, un couple idéal. Ce phénomène est unique dans le monde.

En réalité ces personnages ne sont ni des hommes ni des femmes, c’est une tierce personne en laquelle elle peut se projeter et découvrir voire assouvir ses fantasmes. Sortie de son cadre japonais, la lectrice européenne peut perdre ses repères face à des codes, des expressions des sentiments qui nous sont étrangers.

Cependant dans le Yahoi, la femme peut se retrouver autant dans le personnage le plus féminin, à la recherche de l’égalité des sexes, ou dans le personnage masculin pour assouvir un désir de domination.

Aujourd’hui le Yahoi est très populaire au Japon. Les librairies les plus respectueuses ont un rayon Yahoi auquel les japonaises en uniforme ont un accès libre.

Le Yahoi est très codifié : fausses intrigues pour arriver à une relation sexuelle, réussir à briser les barrières sociales, se rencontrer sans problème de statut social.

Cependant aujourd’hui on peut voir dans le Yahoi des histoires plus classiques avec des collégiens, lycéens, qui se posent de multiples questions. Ils ne couchent pas ensemble mais parlent des difficultés de communication sur ce que la société éprouve. Le lecteur peut alors s’identifier à un amour impossible et difficile. De plus au Japon les préliminaires se font rares et la violence des relations sexuelles du Yahoi peut aussi répondre aux angoisses des femmes.

On a pu constater dans la conférence traitant de la sensualité, pour ne pas dire sexualité dans le manga, deux postures différentes.



Le Yahoi comme source d’évasion


La jeune japonaise ne connait pas d’homosexuel et peut par le Yahoi découvrir de nouvelles relations.

Le Yahoi découle directement du shôjo : la même réflexion existe dans le shojo où les jeunes filles se posent des questions sur la nature et l’expression des sentiments, comment gérer les pulsions, parfois violentes des désirs sexuels des jeunes hommes afin de construire son futur couple.


Le Yahoi a ce côté burlesque, un peu grotesque, une dimension tape à l’œil voire absurde présentant la sexualité sous forme de parodies. Cependant il y a des exceptions avec des titres comme New-York New-York où est formulé un véritable questionnement sur la sexualité, le sida, l’homophobie etc.

La question que l’on se pose en tant qu’occidental est de savoir à quel niveau le Japon fixe la censure. Pendant longtemps il a été interdit de montrer des poils pubiens ainsi que le sexe masculin en érection, interdiction contournée par le biais d’estampes érotiques.  A cause de cette première censure, les femmes étaient représentées nues, sans poils, ce qui leur donnait un caractère très jeune et la tendance s’est installée : pulsion perverse pour les jeunes filles, pédophilie, la question de la pureté.

Malgré cela, la censure au Japon reste faible : on montre pour tous les âges, des scènes de viol, de meurtre, de torture etc. L’association des parents d’élèves pratique tout de même une certaine censure.

Le foisonnement de la création sur ces thématiques peut s’expliquer par le fait que le sexe est encore très tabou au Japon et donc les auteurs et le public ressentent un réel besoin de traiter ces questions.

On ressent une véritable liberté d’expression dans le manga, une soupape de sécurité. Il existe une pression et une violence sociale tellement importante que la population japonaise a besoin de se libérer, de canaliser ses pulsions.

Un contrat social tacite a été établi et voir une personne « respectable » lire un manga où la sexualité enfantine, la torture, le viol est montré est aujourd’hui entré dans les mœurs.


II.Entre influence et innovation : la France face au Japon

1.Etat des lieux du marché de la littérature jeunesse et du manga

Aujourd’hui, les éditeurs français n’hésitent plus à demander aux auteurs de gros volumes, voire même des romans en plusieurs tomes, surfant sur la vague provoquée par le raz-de-marée Harry Potter. Les romans ne sont plus limités à 120 pages comme ce fut longtemps le cas, mais on encourage les auteurs à écrire des histoires en 300 voire 400 pages. Dans la veine Harry-Potteresque, on remarque que deux caractéristiques du héros sont devenues récurrentes. D’un côté le héros

de la littérature jeunesse est comme le lecteur. Comme lui, sa vie n’est pas toujours rose, comme lui, il fait bêtises sur bêtises, connait ses premiers émois amoureux, à l’image des anecdotes d’Eric Boisset dans La Botte Secrète. Parallèlement, le héros adolescent est aussi celui auquel on a envie de ressembler, parce qu’il a des pouvoirs magiques (Comme Tara Duncan), une condition particulière… Et on retrouve bien là les deux traits du sorcier de J.K Rowling, adolescent ordinaire qui va à l’école des sorciers… De même, en termes d’ambiance, de décors, de contexte, on remarque que les châteaux et autres vieilles pierres qui collent si bien aux atmosphères magiques et mystérieuses, sont désormais une valeur sûre. Une autre tendance de ces dernières années est ce que l’on a appelé la « Chick Lit’ », autrement dit une littérature entièrement dédiée aux jeunes filles. Pour Elisabeth Brami, c’est un véritable retour aux années 50 où l’on segmentait la littérature de manière très importante. Cependant malgré le développement de ces caractéristiques qui semble plaire beaucoup, les auteurs français en littérature jeunesse n’obtiennent qu’une reconnaissance limitée.

On constate, dans des manifestations comme Japan Expo, que le public jeune est toujours très présent. Le manga connaît aujourd’hui un succès international, parti du Japon et ayant connu un fort développement dans les pays occidentaux ces dernières années. Le manga devient peu à peu une culture mondiale, d’une classe d’âge spécifique, et accompagne un mouvement asiatique général avec l’essor du cinéma asiatique (avec notamment les films d’animation), de la cuisine, etc.

Il existe trois principales écoles de BD mondiales : la BD franco-belge, les comics et les mangas. Le manga s’est démocratisé à travers le monde, c’est toujours la culture BD numéro 1 en Asie, mais il est passé culture de consommation numéro 2 dans les autres pays.

D’une manière générale, une des particularités du manga réside dans sa forme et peut expliquer pour partie l’attrait du jeune public sur ce support. C’est en effet une BD assez bon marché (5-6€), très rythmée dans son contenu, avec un nombre de volumes très étendu. On a un véritable rythme de rebondissement dans l’histoire avec une suite publiée tous les deux mois environ en France. Le lecteur a ainsi un rendez-vous périodique avec son manga, comparable à celui des séries télévisées, avec une histoire en fil rouge. Le développement et l’action sont ainsi beaucoup plus intenses que dans la BD franco-belge.


De part sa structure, le manga est plébiscité par les jeunes. En effet, le prix d’un tome est inférieur quasiment de moitié à celui d’une BD. Le rythme de parution en France est très soutenu comme on l’a évoqué précédemment. Une BD d’un auteur français a un rythme de parution beaucoup plus lent tandis que pour les mangas il ne s’agit la plupart du temps que de traductions de livres édités au Japon depuis parfois plusieurs années.


Le format est aussi particulièrement apprécié des jeunes. Par sa petite taille, le manga est facilement transportable et répond au besoin de mobilité permanente. On voit ainsi couramment des personnes lisant des mangas dans les transports en commun alors qu’on n’y a jamais vu personne y sortir sa BD grand format. D’ailleurs on remarquera une certaine adaptation des éditeurs de BD franco-belge à ces supports avec la parution de BD en plus petit format et pour un prix inférieur à ceux des albums grand format. Mais cela reste très marginal, les gens étant attachés à un certain type de format pour un certain type de BD.


2.Rythme de la narration

Le rythme au niveau de la narration est très soutenu de même qu’au niveau des sorties. Il faut savoir qu’au Japon, on retrouve les mangas toutes les semaines dans des magazines de prépublication. Ce rythme de lecture plaît beaucoup aux adolescents car la rapidité est une constante qui se retrouve dans la vie quotidienne comme en témoignent les séries. La lecture est rapide et revêt un côté feuilletonnesque. Chaque lecteur lit à son rythme mais dans sa conception et son élaboration, le manga travaille sur une élongation temporelle.

La BD franco-belge fonctionne elle, sur le principe de l’ellipse, le lecteur imagine l’action entre deux images. Le manga quant à lui profite de cette séquence pour allonger l’action en démultipliant les points de vue qui vont considérer l’action et donner ainsi un aspect multi-émotif. Ainsi, plus l’émotivité est importante, plus le combat atteint un sommet et une intensité élevée comme dans One Piece ou Dragon Ball.

3.Les différences entre les thèmes traités

La grande différence est faite avec la Bd franco-belge qui souvent pour des magasines catholiques : on ne parle pas des sentiments (mais change peu à peu).

Dans la Bd on se pose toujours la question entre les personnages (amoureux ou non, se passe-t-il quelque chose ?) alors que dans le manga il n’y a pas d’hésitation, on dit se qui se passe mais dans la finesse (pas forcément avec du sexe), dans la subtilité.

On utilise dans le manga beaucoup le thème travestie : fréquent surtout dans le shonen.

La BD franco-belge n’aborde pas les problèmes liés à la vie quotidienne, il n’y a pas d’histoires destinées spécifiquement au public adolescent avec des thématiques qui les préoccupent (la BD franco-belge est à 90% tout public et le reste s’adresse aux adultes).

Le manga plaît aux jeunes car il est avant tout fait pour eux. Il remplit un vide car il n’y a pas de BD spécialement destinée aux adolescents, elle est soit pour les enfants soit pour les adultes.


III.Bd/Manga ont amené les jeunes à lire

1.Amener les jeunes à la lecture.

Si le marché du livre jeunesse se porte plutôt bien, le public adolescent étant par essence en constant renouvellement, le secteur doit donc sans cesse évoluer et se diversifier pour plaire à une cible parfois hostile. Cependant, ces dernières années ont vu l’apparition de modes et tendances littéraires, et pour la première fois, dans les cours de récré, on lit « comme le copain », comme le souligne Jessica Jeffries – Britten.

En fait les parents ne savent pas comment appréhender la littérature jeunesse. Ils la pensent en général bénéfique par principe mais la méconnaissent. Les jeunes se retrouvent tiraillés entre la « nécessité » de lire, la dimension coercitive véhiculée par l’école mais aussi parfois par la sphère familiale, et la communication de « lecture plaisir » que l’on fait autour du livre jeunesse.

Mais alors qu’en est-il du manga ? Le débat change de trajectoire si l’on s’intéresse à la part de la littérature qui s’articule autour du seul dessin.

La psychologue Elisabeth Brami rappelle qu’au XIXème siècle, on interdisait aux jeunes gens de lire des romans, parce qu’on estimait qu’ils étaient réservés aux seuls adultes. Pourtant aujourd’hui on n’imagine pas une sphère littéraire accessible uniquement par le biais de romans adultes. Non seulement les jeunes ont besoin de livres conçus pour eux, mais en outre, on s’aperçoit que la catégorisation n’est pas si claire que l’on pourrait le penser. En effet, rien n’empêche un ado de lire un roman considéré plus difficile, mais les adultes eux aussi peuvent se trouver pris au jeu des romances adolescentes entre une jeune sorcière princesse héritière d’un royaume englouti et un ado boutonneux qui ne peut plus supporter sa belle-mère…Certes la littérature jeunesse se veut plus accessible, mais en aucun cas on ne peut la considérer comme une frange inférieur du monde littéraire. D’ailleurs Eric Boisset, lorsqu’il écrit, ne se pose jamais la question de la tranche d’âge qu’il doit toucher. Pour lui ce sont plutôt les sujets eux-mêmes qui déterminent le lectorat. Et pourtant, les auteurs présents sur le salon du livre 2009 sont unanimes sur un point : en tant qu’écrivain pour jeunes et adolescents, leur reconnaissance professionnelle est moindre, voire nulle. D’ailleurs, des rumeurs selon lesquelles l’éducation nationale souhaiterait réintroduire la lecture de l’Iliade et l’Odyssée dans les classes de 6ème au détriment de romans jeunesse inquiètent largement les intervenants qui craignent qu’on ne dégoûte les enfants avec des textes difficiles d’accès.

La conférence consacrée à la question de la violence dans la littérature jeunesse s’est d’ailleurs terminée sur le constat que peu importe le livre, c’est une grande richesse pour le jeune que de pouvoir accéder à ce monde qui a tendance à se marginaliser (puisque hors du monde médias), et pour cela, il est primordial que les adultes se fassent médiateurs plutôt que donneurs d’ordres, qu’ils accompagnent sans imposer, et encore moins interdire.

« Qu’est-ce que ça vous ferait, vous, qu’on brûle un de vos livres devant vous ? »

Cette question provocante a été posée à Elisabeth Brami lors d’une intervention qu’elle faisait dans un collège, par un élève visiblement révolté contre la littérature. Plus tard elle apprendra que l’élève en question, gêné par les thèmes qu’elle a pu aborder dans ses ouvrages est « fils de prof ». Si elle a pu ressentir un malaise sur le moment, ce qu’elle retient avant tout, c’est que même si ses écrits déclenchent une violence verbale, l’essentiel est qu’ils engendrent une réflexion personnelle ; et elle rappelle que les mots ne sont pas des actes.

2.Les nouveaux auteurs et les auteurs à succès.

L’auteur de la série Tara Duncan, Sophie Audouin-Mamikonian, a puisé son inspiration dans son imagination plutôt débordante. Elle avoue lors de la conférence « Ces auteurs qui captivent le jeune » s’être contentée de faire vivre à son héroïne les aventures qu’elle-même aurait aimé vivre si elle avait été dans la même situation (Tara Duncan est une ado aux pouvoir magiques NDLR). Elle n’a cependant pas oublié d’ajouter au tout des histoires d’amours et le succès est fulgurant ! Annie Pietri s’est quant à elle inspirée du monde plus familier qu’est la cour de Versailles, et au travers duquel elle a voulu faire passer le côté attrayant de l’Histoire tout en impulsant sans en avoir l’air, de réelles réflexions (comme la condition de la femme).

Aujourd’hui, on constate de plus en plus que marché de la bande dessinée française s’ouvre aux auteurs étrangers. Cette nouvelle vague d’auteurs permet, au sein de la logique de segmentation et de développements des catalogues, une ouverture vers de nouveaux horizons, de nouvelles idées, de nouvelles visions du monde.

Les éditeurs qui accueillent ces artistes étrangers en plus d’enrichir leurs collections, leur permettent une visibilité et une reconnaissance qu’ils n’ont pas toujours dans leur pays. Nicolas Nemiri, auteur du collectif Interfaces, nous explique que l’avantage du marché français est qu’il fait preuve d’une grande réceptivité quant à ces nouveaux projets. Le choix de ses artistes est souvent à l’origine dû à un coup de cœur des maisons d’éditions. Face à ces nouveaux projets venus des quatre coins du monde le choix est difficile et « l’équipe est en effervescence » (Nicolas Nemiri) face à la diversité et à la richesse de la création étrangère. Ainsi Interface propose un catalogue riche d’auteurs et explore des thèmes très variés comme le ressentiment des jeunes de 20 et 30 ans sur une multitude de question. C’est une véritable ouverture pour ces artistes que de se faire connaitre ailleurs que dans leur pays d’origines.

Le marché européen est très attirant pour les artistes étrangers car ils peuvent développer un véritable travail d’auteur grâce à un accompagnement des maisons d’éditions de la création à la production. Ces auteurs se retrouvent dans cette démarche, trop habitué au système de production américain qui sépare toutes les taches de conception d’une œuvre.

Parmi ses auteurs qui sortent du lot, nous avons pu faire la connaissance de trois artistes étrangers en pleine ascension en France : Liew Sonny, Patil Amruta et Tony Sandoval.

Ces trois auteurs amènent différentes couleurs artistiques dans le paysage de la Bd franco-belge, qui entrainent le lecteur à voir différemment les problèmes qui se posent à tout être.



Liew Sonny, artiste de Singapour :

Pour lui, le marché de la BD dans son pays est pratiquement inexistant, il parle même de « ville éteinte ». Il n’y a pas de réelle industrie du livre. Il est intéressant pour lui de savoir comment fonctionne l’industrie du livre en Europe, de rencontrer de nouveaux artistes et pouvoir ainsi véhiculer ce type de démarches pour les autres auteurs de Singapour. En effet, la BD française est disponible dans son pays mais en faible quantité et son arrivée en Europe lui a permis de développer ses compétences artistiques et techniques. Sonny a participé aussi à la réalisation de Comics aux EU (Spiderman). Il est publié en France pour son recueil d’histoires « Malinky Robot » qui nous entraine dans un univers de science fiction au travers des yeux de deux orphelins

dans un Tokyo imaginaire. Ce récit déstructuré rend compte des petites choses de la vie qui lui donne toute sa saveur et c’est avec une véritable sensibilité qu’il parvient à dépeindre la vie l’existence. « Malinky Robot » est publié chez Bao qui a pour ambition d'être un point de rencontre entre les artistes Asiatiques, Européens et Américains, entre les différentes façons de raconter des histoires et entre les différentes cultures.


Patil Amruta : d’origine indienne :

Enfant elle avait accès à la BD étrangère mais de façon très limité. Son envie de raconter en image ne vient pas réellement de la BD mais plutôt de la peinture, des musées d’où ses craintes quant à se lancer dans le format de la BD. Aujourd’hui elle pense que sa première inspiration est un avantage pour son univers graphique. Dans son œuvre « Kari » (édité chez le Diable Vauvert), elle se démarque par une originalité dans ses dessins et dans son histoire, elle

présente un travail très hors normes. Illustrations sensuelles et commentaires grinçants sur la vie et l'amour : Kari donne une nouvelle identité au roman graphique made in India. Cette bande dessinée à connu un très bon accueil dans son pays d’origine et a su briser un espace qui ne connait pas le 9ème art.

Tony Sandoval : artiste mexicain :


Il ne se sent as influencé par la BD mexicaine qui est  très violente et pornographique et qui a du mal a s’exporter. Il a été plutôt influencé par la BD américaine. Il a connu la BD franco-belge au travers du marché américain et par des fanzines qui reprenaient des artistes européens comme fluide métal. Tony a réalisé plusieurs histoires sur ce qu’il aurait aimé lire. Il parle des problèmes d’existence par les yeux d’une jeune fille qui sera confrontée à différents choix.

Lexique de thermes Manga :


•Mangaka : dessinateur de manga

Kodomo (子供) : pour les jeunes enfants ;

Shōjo (少女) : destinés aux jeunes filles adolescentes ;

oMagical girl (魔法少女) : Sous-genre du shōjo, désigne les mangas mettant en scène des jeunes filles utilisant des pouvoirs surnaturels pour combattre le Mal ;

oRomance : Sous-genre du shōjo, manga sentimental mettant en scène une jeune fille amoureuse d'un prince charmant, généralement des drames romantiques ;

Shōnen (少年) : pour les jeunes garçons adolescents;

oNekketsu : Sous-genre du shōnen, le terme signifiant sang brûlant désigne les shōnen manga mettant en scène des héros exaltés défendant des valeurs viriles traditionnelles telles que le courage, l'amitié et le dépassement de soi ;

oPantsu : Sous-genre du shōnen, le terme anglais pants (culotte) prononcé à la japonaise désigne les shōnen manga mettant en scène un héros généralement pervers au milieu d'un univers féminin dans le cadre d'une comédie romantique ;

Josei (女性) pour les jeunes femmes et adultes ;

oShōjo-ai (少女愛) : Sous-genre du josei et du redisu, romance sentimentale entre femmes ;

oShōnen-ai (少年愛) : Sous-genre du josei et du redisu, romance sentimentale entre hommes ;

oYaoi (やおい) : Sous-genre du josei et du redisu, romance sexuelle entre hommes. les mangas érotique et pornographique ne sont pas distingué lorsqu'on parle de yaoi.

Seinen (青年) : destinés aux jeunes hommes et adultes ;

oEcchi (H ou エッチ) : Sous-genre du seinen et du seijin, manga érotique mais non pornographique ;

oYuri (百合) : Sous-genre du seinen et du seijin, romance sexuelle entre femmes. les mangas érotiques et pornographiques ne sont pas distingués lorsqu'on parle de yuri.

Redisu (レディース, Lady's) : pour les femmes adultes.

Seijin (成人) : pour les hommes adultes.

On distingue aussi certains genres particuliers, la plupart du temps définissant le contexte de l'histoire ou son format :

Gekiga (劇画) : manga dramatique des années 1960-70 ;

Hentai (変態) : manga pornographique en général, la plupart du temps hétérosexuel  ;

Jidaimono (時代物) : manga historique ;

Moé (萌え) : manga tourné vers un sentiment ou une affection fétichiste pour un personnage ;

Shitei : manga de type humoristique pour petits et grands ;

Shakai : manga traitant de problèmes sociaux ;

Geihin : manga vulgaire ;

Suiri (推理) : policier, manga tourné vers le meurtre ;

Yonkoma (四コマ) : manga en quatre cases (équivalent du comic strip), souvent humoristique.

Dans les pays francophones, seules cinq catégories sont couramment publiées : Shōjo, Shōnen, Seinen, Shitei et Hentai


Amélie Blandeau – Chrystel Thibault – Charline Leclerc

Chef de pôle : Romain Delory